Ghost Buster !

Envolée des nuits derrière un voilage de brume naissante, Blanche ne vient pas. Pas encore. Il y a un instant unique à capturer.
Le ciel noir comme la nuit, sombre comme l'encre, éveille en elle la fibre artistique, qui, comme le pinceau, vogue dans sa toile intérieure.

Éclats vermeil avalés, Blanche est une simple silhouette au milieu de la cour. Pensante, pesante, vague réminiscence de sa vie passée avant l'académie qui survient.
Ça lui fait drôle, elle n'aime pas vraiment ça. Blanche n'aime pas penser à ses souvenirs parce qu'elle ne veut pas que le moment présent transforme l'essence du fragment du passé en un souvenir modifié.
Peut-être qu'elle venait là pour échapper à la cantine. Souvent, Blanche, on ne sait pas à quoi elle pense - même à elle, ça lui échappe.

Dans le sillage de ses jambes courtes, les feuilles d'automne se rassemblent sous ses semelles trempées des récentes pluies. Devant elle, des fenêtres de lumières pulsent, çà et là, les mêmes qui éclairent l'académie depuis qu'elle est arrivée ici, enfant.
C'est lassant.

Blanche actionne sa carte de membre près des portiques. La même technologie depuis toujours.
Foutue vérification. Distributeur de privilège.
C'est angoissant.

Blanche prend son plateau. La chaleur de l'objet sous ses paumes froides indique qu'il vient tout juste d'être lavé.
À l'heure où elle vient -- donc après tout le monde, mais quand même assez dans les temps pour que son absence n'en soit pas officiellement une -- il y a moins foule.
Elle ne se sent pas spécialement comme une délinquante qui désobéit ouvertement à un système de contrôle, mais gagne du contrôle derrière ses coups en douce, en témoigne son escapade nocturne.
C'est sa façon à elle de se rebeller, sa façon de regagner sa liberté sans qu'elle ne lui soit brutalement ôtée, car Blanche, elle sait ce qui se passe. Elle sait ce qui arrive au sans-étoile.
C'est injuste.

Ses joues encore rouges de l'extérieur trahissent son passage clandestin par la cour. Le mouvement de sa jupe suit la courbure de ses hanches quand elle se pose à table.

Elle recalibre sa chaise. Plisse son vêtement sous la table.

Blanche croise rarement les jambes --, c'est inconfortable. Souvent, ses coudes sont sur la table et ses mains pendent dans le vide, car elle n'aime pas avoir quelque chose en main.
Son regard détourné s'intéresse à ce qui se passe autour, absence de la conversation. Pourtant, c'est à travers ce qui se passe autour d'elle qui la recharge.
Elle est de ceux qui n'ont pas la nécessité de participer à une discussion pour se sentir incluse.

Elle est là. Elle est présente. Et ça lui suffit. Le plus drôle avec ça, c'est la glorification que les autres en font. Ils lui parlent, ils s'intéressent à ce dont elle pense. Ce qui fait que Blanche n'est jamais à l'écart, jamais laissée de côté.
C'est même le contraire. De tout point de vue, c'est elle qu'on suit, elle qu'on idolâtre -- alors qu'elle n'a jamais rien demandé.

Parfois, elle se demande à quoi ça sert, pourquoi les gens font ça. Mais le problème, c'est qu'elle ne fait que ça. Se demander sans agir. Se questionner sans appliquer son raisonnement.
C'est comme une prédisposition, un don.
Parfois, il est maudit, d'autres fois, elle l'adore.

Bientôt, les conversations se tarissent, le petit groupe se sépare --, mais Blanche, elle a encore quelque chose à faire. Quelqu'un à voir.

Une promesse faite. L'histoire d'une téléportation avant d'arriver devant sa porte. Deux coups sonore.

Komari.
Ah -- Komari.

Sa meilleure amie à l'académie. Blanche chérit cette relation pour la raison principale qu'elles ne sont pas un duo de copines co-dépendante.
Là où beaucoup de filles du dortoir sont associées l'une à l'autre par leur temps passé ensemble, Komari et Blanche n'ont guère besoin d'être fourrées dans les bottes l'une de l'autre pour se rassurer sur leur relation -- Blanche, elle aime ça. Pouvoir aller la voir sur le pas de sa chambre comme bon lui chante, même après des semaines sans nouvelle.
Quelque part, ça lui donne la sensation de pouvoir encore avoir un contrôle sur sa vie. De ne pas être affiliée à Komari. Ni à quelqu'un d'autre. Et puis -- Komari sait, Komari respecte, Komari comprend que Blanche a besoin de son temps pour elle, qu'elle a besoin parfois (souvent) de disparaître.

La porte s'ouvre.

Les demi-lunes rieuses camouflées par sa masse auburn échevelée admirent l'énergie qu'elle tire encore à cette heure de la nuit. Ce n'est pourtant que le début, mais elle est tombée vite.
Blanche la voit sautiller, elle adore son accueil chaleureux. Son amie semble être une source inépuisée de joie et de lumière vive. La même qui scintille sur l'eau du lac un après-midi chaud d'été.

- Bonsoir Blanche ! Comment tu vas, miss privilégiée ?

Ses privilèges, ses étoiles, encore on en parle -- mais c'est jamais méchant avec Komari. Avec elle, c'est léger, c'est fluide, c'est intemporel.

À part ça, tout le monde sait que les formules de politesse, ce n'est pas son truc. Bonjour, au revoir,... entre amies, entre camarades -- c'est trop formel. Alors, Blanche rejoint directement la blague par un clin d'œil.

— Et toi ? Quand est-ce que tu me rejoins sur le banc des vainqueurs ?

Dans ses répliques, jamais elle n'use de venin ((à titre comparatif de certains autres élèves.)) Ses mots, éthérés et délicats, laissent transparaître une force de caractère derrière la justesse de ses interventions.
Blanche parle peu, mais Blanche parle bien -- les taquineries entre amies sont l'occasion d'instaurer un climat incertain, le genre d'ambiance qui la fait danser sur un fil de funambule.

Ce soir, Blanche veut faire un truc insensé. Elle veut sortir de la routine qui l'étouffe -- mais, elle est trop orgueilleuse pour le demander, ça serait admettre qu'elle s'ennuie.
Elle s'en veut un peu. Parce qu'elle ne devrait pas avoir à le cacher à Komari. Et pire, elle s'en veut de commencer une discussion dans le but que Komari ne lui pose pas de question à son sujet.

— Un peu plus et j'aurais jeté un sort d'Allohomara. Référence de la série culte, inépuisable de passion dans le cœur des deux jeunes filles.

Un sourire sincère ourle ses lèvres teintées de gloss brillant. Avec son corps joueur et sa petite force, c'est presque si elle ne la presse pas d'entrer à l'intérieur.